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Aux origines de la Route

En Angleterre, 1917

Depuis 1917, Baden-Powell cherche à répondre aux désirs des aînés des éclaireurs qui, ayant atteint seize ans, veulent continuer à pratiquer le scoutisme. On les appelle « routiers », car ils ont la route de leur vie à construire devant eux. [Mais on est en pleine guerre et] le temps a manqué pour bâtir un programme précis. Sans parler du problème de l’encadrement qui pourra assurer le développement de cette branche aînée. […]

En 1922, BP publie « Rovering to Success » (La Route du succès). […] Il y définit la route comme « une fraternité dont le but est de servir et de vivre au grand air. Ils vont le long des routes et campent dans les bois ; ils se débrouillent seuls, mais sont toujours prêts à aider les autres. Ils ont en fait une branche aînée du mouvement scout : des jeunes gens de plus de dix-sept ans. » […] A ce stade, la différence avec les éclaireurs proprement dits n’apparaît pas très clairement. […] La spécificité de la route tient d’abord dans le passage du jeu, propre au louveteau et au scout, à la vie réelle. Le routier doit vivre la loi scoute de manière adulte dans sa vie quotidienne. « La loi du routier, écrit Baden-Powell, est la même que celle des scouts dans la forme et dans l’esprit, mais il faut la voir d’un point de vue différent, du point de vue d’un homme. »

Philippe Maxence

Extraits de « Baden-Powell 1857-1941 Eclaireur de légende et fondateur du scoutisme »

En France, années 1920

Les premiers scouts ont grandi. De Macedo [le commissaire général] songe à la Route. Pour l’aider, il fait appel au scoutmestre de la 1re Villemomble [Marcel Forestier] dont il avait déjà fait son adjoint pour l’Ile-de-France. Celui-ci était l’ami du père Doncœur. Ils s’étaient connus à la fin de la guerre. Ils avaient vu mourir tant et tant de leurs camarades que l’un et l’autre n’avaient plus qu’une ambition : transmettre aux jeunes le témoignage et l’espoir des aînés pour que sur les tombes innombrables se fasse la relève.

Le père Doncœur connaissait peu le scoutisme. Il connaissait mieux les Quickborn, l’aile religieuse du mouvement de jeunesse allemand. Personnalité d’une énergie exceptionnelle, il revenait de la guerre avec sept citations. Infatigable, doué d’une culture multiforme, avide d’héroïsme, il aimait la France et plus encore le Christ d’un amour viril et communicatif.

Grâce à lui, la Route passera par les hauts-lieux, de Verdun à Jérusalem, de Chartres qu’il fera sortir de son sommeil séculaire, du Puy qu’il redécouvre. Il ressuscite la chevauchée de Jeanne d’Arc de Domrémy à Orléans, et de Compiègne à Rouen.

Par lui, le renouveau liturgique va rencontrer le scoutisme, mouvement actif, dont les membres aiment à prendre en tous domaines leur part d’action et de responsabilité : messes dialoguées, Noëls-Routiers dont il sera l’animateur et qui seront les premières étapes de la redécouverte plénière du Mystère du Christ, du Mystère de Pâques.

Aux premiers routiers, le père va lire l’Evangile de saint Jean, comme personne ne l’a jamais lu. Il va faire resplendir en leur cœur le mystère de la grâce. […]

Les effectifs ne cessent de s’accroître. Sous la conduite de Pierre Goutet et d’André Cruiziat, la Route se développe. On est loin des trente routiers-étudiants du premier pèlerinage à Chartres organisé dans la mouvance du vœu de Péguy. C’est par milliers qu’on les compte. Le rallye de 1939 groupe 3.500 routiers pour une magnifique démonstration d’hébertisme.

La rencontre du collaborateur de Jacques Copeau, Léon Chancerel, et du père Doncœur va enrichir le mouvement d’un admirable mode d’expression. Le « Chant de la Route » sera pour beaucoup dans la prise de conscience de l’idéal routier.

Les Comédiens-Routiers naissent des Noëls-Routiers. Ils entrent dans l’histoire du mouvement avec le jubilé du Puy en 1932. C’est le commencement des « célébrations par personnages ».

Extrait de « Scouts », Les Presses d’Ile-de-France 1952

La Seconde Guerre Mondiale

La Seconde Guerre Mondiale éclate : l’ensemble des organisations de jeunesse sont interdites ou mises sous tutelle. Vichy cependant autorise le scoutisme et, bien qu’il soit interdit en zone occupée, les Allemands qui savent son existence clandestine le tolèrent. Un très grand nombre de jeunes de 17 ans et plus se précipite à la Route des Scouts de France qui atteint des chiffres extraordinaires. Le pèlerinage routier du Puy, en 1942, animé par le père Doncœur, est un des plus grands événements de l’histoire des SdF.En 1942, avec l’instauration du STO, beaucoup de routiers prennent le maquis pour éviter de se faire réquisitionner : ce sont des résistants de fait. Les routiers n’ont pas forcément conscience des dangers encourus. L’aventure peut tourner au tragique. Les déportés sont nombreux, de même que ceux qui meurent pour la France au maquis ou dans l’armée de libération.

Extrait d’un entretien avec le frère Yves Combeau, o.p.

L’après guerre

A la sortie de la guerre, la Route compte 20 000 routiers. Son prestige est énorme. La Route exerce une forte influence sur le reste du mouvement : le commissaire national Route Michel Rigal devient commissaire général pour de longues années. Avec Rigal, c’est la tendance sociale qui « prend » la Route : on insiste sur l’engagement chrétien, naturellement, mais aussi sur l’engagement social et même politique. Deux malaises vont se créer :

  • L’engagement politique, dans une période agitée (marxisme, conflits coloniaux, instabilité en France), provoque des polémiques graves et publiques, surtout à la fin des années 1950.
  • Le fossé entre le monde des éclaireurs (la pédagogie du jeu, du camp, de l’aventure, mais aussi les raiders de Michel Menu) et celui de la Route ne cesse de se creuser.

Par ailleurs, beaucoup de routiers, même s’ils sont intéressés par la réflexion sur le monde ou le service social, trouvent la Route trop intellectuelle, la revue austère et la vie de clan pas assez aventureuse. Entre la « prise de chou » officielle et une aventure-pour-l’aventure sans profondeur, quel équilibre trouver ? Pris par les troupes qui, nombreuses, ont besoin de chefs, beaucoup de routiers laissent tomber la Route et les effectifs baissent de façon inquiétante.

Extrait d’un entretien avec le frère Yves Combeau, o.p.

Années 1960

En 1964, les Scouts de France réforment leur pédagogie : c’est la réforme pionniers/rangers. Elle est radicale et obligatoire. Aussitôt, une résistance d’une partie des effectifs se fait jour. Se pose un drame de conscience : rester ou quitter les Scouts de France ? […]

La réforme pionniers-rangers, en effet, ne concernait pas la Route mais, en 1964, celle-ci est très affaiblie. Il n’y a pratiquement plus d’uniforme, les effectifs de la branche sont maigres et, à partir de 1966, le commissaire national Philippe Warnier introduit une série de mesures qui jettent le trouble : mixité, retour du discours politique, abandon complet de tout uniforme, mais aussi de l’aventure sportive… Quand il part, il n’est pas remplacé, et les événements de mai 68 achèvent de disperser les clans. […]

Mais certains avaient connu des clans fonctionnant avec de vrais services, de l’aventure et une vie spirituelle nourrie. Le groupe Saint Louis de Paris, le plus important des groupes fondateurs des SUF, avait en 1971 un clan actif, qui vivait une Route équilibrée.

Extrait d’un entretien avec le frère Yves Combeau, o.p.

Citations

« Une des grandes grâces de notre vie scoute, écrit le père Forestier, a été de retrouver l’Evangile. Il y a trente ans [nous sommes en 1948], c’était un livre tombé en déshérence. Les catholiques pieux ne connaissaient guère d’autres lectures que L’Imitation […] On parlait plus de devoir de conscience, d’ordre, de Providence que d’une Personne vivante à aimer.

Ce sera le mérite inoubliable du père Doncœur d’avoir mis nos incertitudes de premiers routiers, nos recherches, nos doutes au contact direct du Christ, dans l’évangile de saint Jean. »

Père Marcel-Denys Forestier, o.p.

Extrait de « Présentation de l’Evangile » dans « L’Aumônier scout », décembre 1948, p. 2

« Le jeune Christ routier du Latran, tête et genoux nus, à la tunique retroussée, au visage imberbe, aux épaules vigoureuses, tel que l’Eglise primitive de Rome l’a adoré avant qu’apparut le Christ barbu de Byzance, comme il s’est bien défini à ses compagnons galiléens, la Route la Vie, la Vérité ! Un christianisme de marche, de plein air, aux vertus magnanimes, rude et pauvre, riche de joie, voilà ce dont ils rêvent, légitimement. Cette morale maussade, cette lassitude qui geint, qui gronde, ce régime de pharmacie et d’eau minérale, ce défaitisme, cette aigreur mis en compte des vertus cardinales et du Saint-Esprit, non, vraiment, ils attendaient autre chose.

Amoureux de la vie et insouciants de la mort, ils espèrent “sa grâce en ce monde et sa gloire en l’autre”. Par moins ! »

Père Paul Doncœur, s.j., journées fédérales de 1931

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