VÉZELAY

La Route des Scouts d’Europe : Pourquoi ? Comment ? Un peu d’Histoire !

En restant fidèles au scoutisme de Baden-Powell et du Père Jacques Sevin, les Guides et Scouts d’Europe, depuis leur naissance à Cologne en 1956, font éclater le carcan trop rigide du scoutisme national et mondial.

La Route des Scouts d’Europe

C’est fin 1970 que le premier « clan » de chefs démarre, sous l’impulsion de Jean-Charles de Coligny. Ces chefs joignent leurs talents pour concevoir le projet d’une branche aînée, car la Route des Scouts de France n’avait pas laissé de pédagogie propre à cette branche.
Pour rechristianiser le modèle et réinsérer le scout dans l’esprit des Béatitudes, l’idée du « pèlerin » émerge de la réflexion. « Le pèlerin est celui qui parcourt un espace et dans cet espace une mutation intérieure est vécue » (1). Ne sommes-nous pas en pèlerinage sur la terre ?

Avec la montée des grands éclaireurs des troupes vers les clans, des petites routes sont organisées au fil des provinces. La première Route pilote a lieu en 1974. En 1975, Guillaume Pons organise le pèlerinage de l’Année Sainte des Guides et Scouts d’Europe, d’Assise à Rome. L’accueil du pape Paul VI touche et encourage le millier de chefs, cheftaines, Routiers et Guides Aînées présents.
L’investiture de Jean-Charles de Coligny comme « Commissaire national Route », dans le cloître romain de Saint-Paul-hors-les-murs, en septembre 1975, consacre l’existence de la Route comme troisième branche pédagogique, au même titre que le Louvetisme et les Eclaireurs.

L’Equipe Nationale Route lance alors, en décembre 1975, la « Route Saint-Jacques ». L’intuition est d’emmener les jeunes Routiers pilotes se construire au fil des chemins de ce pèlerinage, qui a drainé pendant des siècles les pèlerins de l’Europe entière vers Saint-Jacques-de-Compostelle, en Galice. Par cette démarche, les équipiers seront invités à transformer leur cœur et à abandonner ce qui les retient, ce qui fait en eux le « vieil homme » (selon l’expression utilisée par saint Paul). L’environnement naturel, historique et surtout architectural de cette démarche servira de point d’appui au déroulement du projet. Le mouvement qui est ainsi lancé devra permettre une « reconquista » du pèlerin sur lui-même, une construction patiente de son unité de vie, autant qu’une conquête de ses talents de jeune adulte. Au fil de la route, il sera amené à découvrir le sens de sa vie et à travailler à la construction de son architecture intérieure.

L’art roman, par son dépouillement et sa capacité voulue de conduire au surnaturel, permettra d’illustrer cette catéchèse historique et spirituelle. Cette initiation sera une école de l’art et du beau, tournée vers l’essentiel, c’est-à-dire vers le Ciel, en sachant que « l’essentiel est invisible pour les yeux. » (Saint-Exupéry, Le Petit Prince)

Le départ du premier tronçon a lieu dans la cathédrale Notre-Dame du-Puy-en-Velay, en juillet 1976 : quatre-vingt Routiers sont au départ.

Les bases étant posées, il convenait maintenant de choisir un point de départ géographique pour cette nouvelle démarche. Trois grandes villes historiquement liées au pèlerinage se présentaient :

• Tours. La basilique initiale, détruite à la Révolution, avait été remplacée par une autre édifiée au XIXème siècle, sans rapport avec le pèlerinage.
• Le Puy était resté fidèle aux départs de la Route Saint-Jacques. Mais l’exiguïté des lieux ne permettait pas d’envisager des rassemblements importants.
• St Gilles dans le Gard était trop excentré pour rassembler des Routiers provenant de toutes les provinces de France.

Se présenta alors Vézelay, qui se trouvait en position centrale, non seulement sur le plan français mais également européen. L’abbatiale bénédictine de Vézelay, qui fut fille de Cluny, était un pur chef-d’oeuvre de l’art roman. Elle avait été sauvée de la ruine par Viollet-le-Duc. Elle était érigée en plein cœur d’une région superbe constituée par le parc naturel du Morvan. Au milieu du XI° siècle, un culte extraordinaire s’était développé sur cette colline envers sainte Marie-Madeleine, la pécheresse pardonnée. Une multitude de pèlerins prirent ainsi le chemin de la Bourgogne. Saint Bernard y prêcha la deuxième croisade en 1146. Tous ces points convergeaient. La décision fut donc prise d’ancrer là le point de départ de la Route des Scouts d’Europe.

C’est ainsi qu’un premier rendez-vous fut fixé à tous les Routiers à Vézelay.

Partir de Vézelay

Donc, à la Toussaint 1976 Jean-Charles de Coligny, qui avait quelques semaines auparavant ouvert la « Route Saint-Jacques » sur le plateau de l’Aubrac secoué par les tourmentes, lançait à Vézelay le pèlerinage annuel de la Toussaint des Routiers Scouts d’Europe. Le père Constant Derouard célébra la messe de la Toussaint.
Trois ans plus tard, ils seront 500 scouts routiers à converger dans la nuit vers le grand vaisseau de pierre. Raymond Oursel en a fait le récit :

« Ils se réunirent dans le champ situé au Nord et en contrebas de la ville (là même où, face aux profondeurs de l’Europe, saint Bernard, jadis, avait proclamé la croisade), et que signale une haute croix de bois. Ils allumèrent des torches et gravirent processionnellement le chemin qui grimpe en diagonale le long du versant jusqu’aux parvis de la basilique ; dans l’obscurité, les 500 torches creusaient de la terre au ciel confondus un sillon de lumière qui semblait ne jamais finir. Accompagnés par les orgues, ils eurent dans l’église une veillée de recueillement que scandaient, vingt fois répétées sur un rythme très lent de choral en cantus firmus, les strophes vénérables de l’Adoro Te.
Le lendemain, par un matin exceptionnellement radieux de soleil, ils chantèrent la messe de Toussaint dans l’immense vaisseau qu’ils remplissaient presque tout entier, et, à pleine voix, le conclurent par le cantique qui, par l’effet d’une coïncidence volontaire, se trouvait être l’exacte transcription sonore de la Mission des apôtres inscrite dans les pierres de feu du grand tympan : « Allez dans le monde entier, De tous les peuples faites des disciples. Alleluia ! Amen ! ». (2)

Un autre Vézelay mémorable fut celui de la Toussaint 1984, dont la prédication fut assurée par le Père Daniel-Ange. Pour la première fois le Saint-Sacrement passera en procession au milieu des rangs des Routiers pour un face-à-face fondateur. Chaque année désormais, au cours d’une veillée eucharistique, les Routiers adoreront longuement le Saint-Sacrement exposé sur l’autel dans le chœur, tandis que les bas-côtés s’empliront des murmures de multiples confessions, avant que ne soit célébrée avec faste et splendeur la Résurrection du Sauveur au cours de la messe du lendemain.

Onze ans plus tard, à la Toussaint de 1995, les 80 Routiers de 1976 seront devenus plus de 2000 pour le vingtième anniversaire. Les 800 chaises de la basilique auront du être enlevées pour que tous les garçons puissent prendre place. Ce seront 110 prêtres et séminaristes qui seront venus de la France entière pour assurer l’accompagnement spirituel du pèlerinage. Nombreuses sont les taches marron, blanches, grises ou noires des bures et habits religieux au milieu des uniformes bleu foncé.

En 2009 enfin, pour leur 34ème pèlerinage à Vézelay, c’est la dimension internationale qui frappe : « Après trois jours de marche, ce sont rejoints les cinq chapitres où étaient répartis les routiers venus de toute la France, mais aussi de Belgique, Allemagne, Roumanie, Espagne, Portugal, Suisse, Italie, Pologne, Lituanie, Biélorussie, Russie et Slovaquie. Sur ces chemins le Père Edouard Marot, ancien recteur du sanctuaire de Paray-le-Monial, leur a présenté la vie et le message de sainte Marguerite-Marie. « Il nous semblait important que les routiers puissent réfléchir sur la miséricorde divine » explique Vincent Daufresne, commissaire national route. Outre la possibilité de prier auprès des reliques de la sainte, les scouts ont pu adorer le Sacré-Cœur de Jésus ». (3)

Ainsi ils ont pu méditer sur ce que signifie le troisième principe des Guides et Scouts d’Europe : « Fils de la chrétienté, le Scout est fier de sa foi : il travaille à établir le règne du Christ dans toute sa vie et dans le monde qui l’entoure »

Ainsi, à Vézelay, par un effet de la Miséricorde et de la Providence divines, s’accomplit chaque année à la Toussaint un mystérieux échange entre les pèlerins scouts et le Sauveur du monde exposé à leurs regards. Seul Dieu, qui connaît le secret des cœurs en sait les fruits innombrables.

(1) Alphonse DUPRONT : « Pèlerinage et lieux sacrés », Encyclopedia Universalis, p 167.
(2) Raymond OURSEL : « Lumières de Vézelay », collection Zodiaque, 1993.
(3) Paray-le-Monial , Revue du Sanctuaire, Janvier-Février 2010, N° 208.
(4) Maurice Ollier : « Les guides et Scouts d’Europe et l’Eglise », p19.
(5) Dominique Aubier et Manuel Tunon de Lara : « Espagne ». Seuil, Petite Planête.
(6) Sainte Thérèse d’Avila (1515-1582), carmélite, docteur de l’Église, « Le Chemin de la perfection », Seuil.
(7)Perig Geraud-Keraod : « Le Départ Routier », Maîtrises n°39, juillet 1977.

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Par Bruno RONDET, RS

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